Climat Libé Tour Bordeaux: initiative Marie Curry, la recette d’une gastronomie solidaire
Climat Libé Tour Bordeaux: initiative
Marie Curry, la recette d’une gastronomie solidaire
Marie Curry accompagne, en Gironde, des femmes issues de l’immigration dans la création de leur entreprise traiteur. Une manière de valoriser leurs matrimoines culinaires en proposant une cuisine du monde écoresponsable.
Khuzama Dalati, réfugiée syrienne, enchante les palais avec sa cuisine d’Alep parfumée à la cardamome à la fleur d’oranger. Ursula Médaille, cheffe de famille monoparentale, aime faire découvrir des ingrédients liés à son origine guyano-centrafricaine comme les feuilles de manioc ou les bananes plantains. Mokhigoul Issoboeva, réfugiée tadjike inscrite dans une coopérative d’activité et d’emploi, excelle, elle, dans l’art de préparer des feuilletés à la viande et aux épices…
Ces quadragénaires font partie de la communauté des quinze cheffes accompagnées en 2022 par Marie Curry. «Notre mission consiste à favoriser l’insertion professionnelle des femmes réfugiées et issues de l’immigration par la valorisation de leur matrimoine culinaire», explique Elise Thorel, cofondatrice, avec Sandrine Clément, de cette entreprise solidaire d’utilité sociale. «La cuisine est l’une des rares choses que les femmes emportent dans leur exil. Il s’agit d’un savoir-faire transférable qui permet de créer du lien facilement. Il nous tenait à cœur de développer un projet s’appuyant sur la valeur économique, sociale et culturelle de la cuisine ménagère exécutée par des femmes», insiste la trentenaire, experte en communication qui s’est formée à l’école Ferrandi, à Paris, pour peaufiner son projet de gastronomie solidaire.
«Les femmes peuvent échanger sur leurs pratiques»
Afin d’aider ces femmes à créer leur entreprise de traiteur indépendante, Marie Curry assure un suivi individuel et sur mesure. Il comporte un volet social, avec une aide à la mobilité ou un apprentissage du français. La professionnalisation s’acquiert avec des ateliers culinaires, des formations à l’entrepreneuriat et la possibilité d’assurer des prestations encadrées par un chef. Ses clients ? Des entreprises publiques ou privées, des collectivités locales aussi, séduites par la mission sociale de l’entreprise et curieuses de découvrir une offre culinaire originale pour un événement ou un déjeuner avec plateaux-repas. «Avec ce service traiteur, les femmes travaillent ensemble, elles peuvent échanger sur leurs recettes, leurs pratiques, leurs clés de réussite» s’enthousiasme Elise Thorel. Les cheffes se retrouvent alors à Artigues-près-Bordeaux, à une dizaine de kilomètres au nord-est de la métropole, dans un laboratoire culinaire occupant l’ancienne cuisine d’une école maternelle prêtée par la ville.«Nous diffusons les valeurs d’une cuisine plus inclusive et plus durable, insiste Elise Thorel. Les approvisionnements de notre service traiteur sont réalisés auprès de producteurs locaux, bio ou en agriculture raisonnée. La réduction des déchets est aussi priorisée avec des contenants en verre consignés.»
L’année démarre fort : en février, Marie Curry ouvre son restaurant dans le tiers-lieu La ManuCo, dans le quartier Saint-Michel, à Bordeaux, là où sont déjà hébergés ses bureaux. «L’activité traiteur et le restaurant nous permettent de créer des postes pérennes. Nous serons huit salariés en février», se réjouit la cofondatrice. L’entreprise pourra aussi s’appuyer, à la fin de l’année, sur un nouveau laboratoire de cuisine situé dans Bordeaux, trois fois plus grand que l’actuel. Il facilitera la logistique et permettra une livraison en vélo-cargo avec des acteurs solidaires. Malgré certaines difficultés comme la recherche de financement ou la nécessaire adaptation aux biais culturels, alors que les femmes cheffes sont issues d’une dizaine de nationalités différentes, Marie Curry semble avoir trouvé la recette d’une gastronomie solidaire.